Mon ouvrage sur le conseil financier: réconcilier la mission fondamentale du secteur bancaire africain et les attentes incommensurables des États

26 Déc 2017
Selon une étude de la Banque Africaine de Développement (BAD)[1], le financement approprié des infrastructures a toujours été au cœur des sommets et conférences portant sur le développement du continent africain. Les débats et réflexions s’orientent vers les moyens de financer la création, l’entretien, l’exploitation ou l’amélioration des infrastructures physiques des pays dans les domaines suivants : transport, eau et assainissement, réseaux de communication, énergie.
Par ailleurs, dans son rapport faisant le point sur le soutien apporté à l’investissement dans les infrastructures africaines, présenté à la réunion ministérielle de l’initiative NEPAD-OCDE (Organisation pour la Coopération et le Développement Économique)[2] pour l’investissement en Afrique, tenue à Dakar en avril 2011, l’OCDE relève que le développement des infrastructures, bien que crucial pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté en Afrique, pâtit d’un important déficit de financement qui ne saurait être couvert par les sources publiques de financement. Ce constat est corroboré par la faiblesse du financement publique du développement dans les dépenses d’infrastructures. La faiblesse du financement ainsi évoquée s’améliorera difficilement dans un contexte de resserrement budgétaire tant dans les pays pourvoyeurs d’aide que dans les pays bénéficiaires de cette aide.
C’est pourquoi, l’OCDE relève que l’investissement privé, bien qu’ayant joué dans le passé un rôle limité dans les infrastructures africaines en raison d’un environnement peu propice à leur développement, pourrait être une solution palliative pour le comblement du déficit du financement des infrastructures en Afrique.
En Afrique de l’Ouest, les Autorités de l’Union Économique et Monétaires Ouest Africaine (UEMOA), conscientes des enjeux majeurs du financement des investissements, par une grande implication du secteur privé, ont développé plusieurs initiatives visant à mobiliser des ressources financières, au-delà des circuits traditionnels de financement (aide publique au développement, financement des BMD) pour la réalisation d’investissements marchands et non marchands avec un poids relativement important des investisseurs en infrastructures économiques marchandes.
Parmi ces initiatives, il y a lieu de retenir :
La phase II du Programme Économique Régional (PER II) dont les objectifs généraux concernent la promotion d’une croissance forte et d’un développement durable, grâce à la réalisation de projets concrets et visibles par les populations de l’Union.
L’organisation de la conférence « Investir dans l’UEMOA », tenue le 9 septembre 2014 à Dubaï aux Émirats Arabes Unis, a été l’occasion de trouver des partenaires financiers et techniques qui ont pris l’engagement de financer des projets inscrits au titre du PER II.
Nonobstant les différentes initiatives développées aussi bien à l’échelle continentale que régionale, les États de l’UEMOA commencent à s’intéresser à l’intervention des banques commerciales privées présentes au sein de l’Union pour le financement des investissements sur des maturités allant au-delà des interventions classiques de ces banques (durée comprise entre 5 à 7 ans, voire 12 ans). Cette intervention est faite par l’entremise de requêtes de financements et de conseils financiers que les États adressent aux banques commerciales pour la mobilisation de ressources marchandes pour la réalisation d’investissements publics tant marchands que non marchands. L’émergence de ce nouveau besoin des États coïncide avec l’implantation dans l’UEMOA de grands groupes bancaires d’obédience africaine (Banque Populaire du Maroc, Attijari Wafa Bank, Banque Marocaine du Commerce Extérieur, United Bank of Africa, etc.) capables de mobiliser des capitaux importants. C’est dire que, dorénavant, le secteur privé bancaire local s’associe aux BMD pour pourvoir aux besoins d’investissements des États. Ce secteur jadis marginalisé lors des grands débats et réflexions liés à la problématique du financement des investissements publics devient un acteur incontournable qui mérite d’être impliqué dans les différents schémas et scénarios conçus pour un meilleur financement des infrastructures dans l’UEMOA.
En effet, plusieurs études et réflexions concernant la problématique du financement des investissements publics en Afrique ont été conduites par des auteurs et des institutions internationales. Ces études et réflexions ont abordé les différentes interventions :
‒ des Banques Multilatérales de Développement (BMD) dont celles installées en Afrique ;
‒ des marchés financiers internationaux ;
‒ ainsi que les investissements privés d’origine extérieure (hors de l’Afrique le plus souvent).
Toutefois, ces études et réflexions n’abordent pas spécifiquement le rôle des banques commerciales dans la résolution de la problématique du financement du secteur public par le biais des mandats de conseils financiers et de financements directs au profit des États et des collectivités publiques. La contribution de cet ouvrage se situe à ce niveau. Elle place le secteur bancaire privé africain au cœur des réflexions sur le financement des investissements du secteur public. Certes, l’intervention de ce secteur bancaire africain est relativement faible en comparaison de celle des grandes institutions internationales (bailleurs de fonds du club de Paris et du club de Londres, Fonds souverains, etc.) ; il n’en demeure pas moins que celle-ci contribue à résorber un tant soit peu les déficits du financement des investissements des États de l’UEMOA.
Par ailleurs, il ne faut pas occulter le fait que cette intervention du secteur bancaire africain :
‒ n’est pas toujours conforme à sa vocation primaire qui reste le financement du bas du bilan ;
‒ est limitée par la réglementation prudentielle ;
‒ souffre souvent du manque notoire d’une expertise avérée dans le domaine des investissements.
C’est pourquoi, ce livre essaie de réconcilier la mission fondamentale du secteur bancaire africain et les attentes incommensurables des États en matière de conseil financier et de financements d’infrastructures par les banques commerciales locales.
L’objectif général est de montrer comment une banque commerciale peut accompagner le secteur public dans la réalisation d’infrastructures tout en respectant la réglementation prudentielle.
Plus spécifiquement, il s’agit de mettre en exergue des propositions de solution relatives à la conduite d’une mission de conseil financier et de financement d’infrastructures par une banque commerciale africaine tout en respectant les règles préconisées en la matière.
Dans cette veine, il conviendrait de donner des éléments de réponse aux deux questions d’intérêts majeurs ci-après :
▬ Quelles sont les diligences propres à l’intervention dans le cadre d’un mandat de conseil financier ?
▬ Comment la banque commerciale peut-elle tirer parti des expériences de mission d’assistance et de conseil, en particulier les expériences des BMD, pour conduire des diligences relatives à la mise en œuvre d’un mandat de conseil financier ?
Pour répondre à ces questions, des expériences significatives dans le métier de conseil ‒ à chaque stade de la conduite d’une mission ‒ illustreront la démarche méthodologique proposée, fondée sur la conduite de missions similaires en Afrique tant par des banques de développement qui jouissent d’un savoir-faire inéluctable en la matière que par des cabinets-conseils et des banques privées de renommées internationales. La méthodologie proposée sera également applicable à toute mission de conseil financier conduite par une banque.
Elle se justifie dans la mesure où, pour mener à bien une telle mission, le banquier a besoin d’utiliser des procédures efficaces et efficientes à même d’éviter des conflits de compétences et de cerner les risques afférents au métier de conseil. Cela justifie en partie le choix du thème du présent ouvrage mettant en exergue le rôle du banquier conseil dans la mise en œuvre d’un mandat de syndication ou d’arrangement.
Au-delà de la réussite du mandat de conseil financier par une banque commerciale, il convient de s’interroger, dans le cadre de la recherche de solutions alternatives au financement des investissements publics, sur la mise en place d’un véhicule à l’échelle de l’UEMOA, dédié à l’accompagnement des États pour la réalisation des investissements, qui pourrait permettre de contourner les contraintes des banques commerciales à mobiliser des capitaux très importants eu égard aux limites prudentielles et à la taille de leurs capitaux propres.
Cet ouvrage comporte quatre chapitres. Le premier chapitre traite de la justification de la conduite des missions de conseil financier par les banques, précisément les banques commerciales, leviers inéluctables pour la mobilisation de ressources financières importantes en faveur des investissements en Afrique, essentiellement les investissements concernant la réalisation d’infrastructures d’utilité générale. Quant au second chapitre, il aborde la nécessité d’un encadrement de l’activité de conseil financier conduite par les banques commerciales pour le financement des infrastructures, eu égard aux différentes recommandations formulées au plan international à l’issue de la crise des subprime afin d’éviter qu’elle ne se reproduise, toute chose étant égale par ailleurs.
S’agissant du chapitre III, il est relatif à la conduite d’une mission de conseil financier en mettant en exergue les différentes étapes ainsi que les diligences à mettre en œuvre à chaque étape. Enfin, le chapitre IV, qui s’inspire des différentes leçons tirées des missions de financements des infrastructures d’utilité générale essentiellement par les BMD, suggère des critères d’appréciation de la performance des missions de conseil financier dédié au financement des infrastructures. Il indique des techniques pour un montage dans les règles de l’art d’un dossier de financement ou d’un mémorandum d’informations dans le cadre d’une structuration et/ou d’un arrangement de financement en faveur d’un porteur de projet qui donne mandat à son conseil financier pour le montage du dossier, la structuration et l’arrangement du financement. Ce chapitre indique également une solution originale pour l’optimisation de l’activité de conseil financier destinée à la mobilisation de ressources financières pour le financement de projets structurants.
[1]. Working Paper Series (n° 153 du mois d’octobre 2012).
[2]. Le rapport a été également examiné lors du Forum mondial sur l’investissement mondial tenu en décembre 2011, puis a été finalisé en mai 2012.